Les yeux regardant la voûte céleste tachetée d’une pluie étoilée, la jeune femme se perdit dans ses pensées, ressassant un passé qui semblait avoir été oublié au fil du temps…

La jeune femme prit une grande inspiration, et passant la grande porte d’entrée, elle perdit son fin sourire innocent laissant place à une toute autre sensation. Une tristesse sans fin semblait émaner de l’environnement, probablement dû au fait que la pièce principale donnait l’impression d’avoir été abandonnée depuis des années.
Scrutant chaque détail de la salle, éclairée des rayons émanant de la pleine lune sanglante, la demoiselle s’avança doucement, sur la pointe des pieds, se glissant entre les débris sur le sol, les bris de verre, le bois usé, les parchemins oubliés çà et là en piteux état… Se dirigeant vers le centre de la pièce visiblement l’origine du désordre ambiant, Fallÿn prit appui sur une des poutres du domaine, marquée par le temps, et laissa ses doigts glisser le long des écorchures, représentation indéniable de la fragilité des fondations de cette demeure. Attentive à son environnement fragile et éphémère, son regard fut attiré par les colonnes imposantes de bois sculptées, mélangeant les prodiges des hommes et l’inéluctable destin de ce bois mort, victime des tragiques événements qu’elles avaient vu. Le long de leur corps, elle décela sans peine des entailles profondes et éparses, ne laissant aucun doute qu’un combat avait vu le jour en ces lieux et que le malheur avait placé ces piliers travaillés entre les armes des assaillants et leurs victimes. En son centre, une table basse, travaillée dans un bois d’acajou venant d’une contrée plus lointaine, était restée à sa place et n’avait subi aucun désagrément contrairement au reste de l’habitation. Elle était en parfait état, aucune égratignure de coups d’épée ne venait à troubler le fabuleux travail de l’artisan qui lui avait donné vie, laissant la prêtresse à penser que le combat chaotique avait cessé à cet endroit précis. Pourtant, les mobiliers entourant cet œuvre d’art n’avaient pas eu, sans nul doute,  la même chance. Les fauteuils et canapés, fabriqués dans un bois rare et revêtus de majestueuses parures aux couleurs de jades, étaient déchirés de toute part, laissant ressortir le rembourrage des coussins où la profondeur semblait être plus accrue… Les petits oreillers dorés, servant à la décoration, avaient eux aussi subi le même sort. Au fond de la salle, les coffres avaient été forcés voire complètement détruits avec violence, laissant des morceaux de serrures trainer çà et là sur le sol. Effleurant du bout des doigts la table basse conservée, elle sentit que la poussière avait déposé son sinistre voile là où le papier n’avait daigné se reposer…
Manquant de luminosité, puisque la ronde lune sanguine s’était cachée derrière les énormes cumulus noirs de la nuit, Fallÿn alluma le chandelier en argent posé sur la petite table de bois. Un frisson glacial lui parcourut le corps en découvrant l’immonde scène qui s’offrait alors à elle… La pièce désordonnée était entièrement maculée de sang, sûrement celui de la personne qui devait habiter ce lieu.

Devant ce théâtre particulièrement chaotique, la demoiselle accourut à la fenêtre la plus proche, l’ouvrit, et respira à grand coup l’air frais et naturel de l’extérieur. Fronçant les sourcils, elle marcha d’un pas décidé vers le centre de la pièce, faisant voler à ses pieds quelques morceaux de papier qui se trouvaient sur son chemin, révélant des écrits et dessins auxquels Fallÿn ne fit aucunement attention…

La prêtresse aux yeux démoniaques était quelque peu chamboulée, désorientée par les événements qui venaient de survenir. Espérant démêler les sinistres énigmes de la nuit, Fallÿn attrapa un vieux parchemin en assez bon état malgré la présence de quelques éclaboussures de sang, mais avant qu’elle ne puisse le dérouler, un dessin d’enfant de bas âge glissa hors de sa source de lecture et tomba sur le sol de pierre, attirant aussitôt l’attention de la femme.
Le regard interrogateur, elle s’abaissa pour ramasser la feuille griffonnée aux couleurs effacées dans ses mains tremblantes dût à la fraîcheur soudaine de la nuit. Mais à peine avait-elle touché l’objet qu’un bruissement de feuilles retentit dans la salle… Tournant la tête vers l’endroit supposé, elle aperçut qu’un amas de plusieurs centaines de ces feuilles étaient grossièrement éparpillées sur le sol et qu’elles bougeaient de façon assez aléatoire, certainement secouées par un courant d’air qu’elle ne pouvait ressentir d’ici. Se relevant lentement, elle prit le temps de regarder ce qui était dans ses mains, un dessin presque banal, que l’on retrouve dans chaque demeure – et ce peu importe leur milieu social – une petite fille au milieu de sa famille à l’exception que celui-ci ne représentait qu’une enfant en compagnie de sa mère, toutes deux le sourire aux lèvres. N’ayant aucun souvenir de ses parents, Fallÿn laissa échapper sur son doux visage, encore sous les bienfaits d’une jeunesse éternelle, une larme perlée d’eau salée. Pourtant, un détail vint à frapper de plein fouet la jeune femme.